Le vendredi 5 novembre, nous partons avant les aurores à 4h1/2 et atteignons la petite île vénézuelienne Tortuga. Elle est complètement plate et n'est habitée que par quelques pécheurs ainsi que des millions de moustiques. Ils nous ont totalement gâchés notre séjour ici. Après avoir bien dormi, nous voulons prendre un apéro le soir. Lorsque les moustiques commencent à nous manger tout cru, nous avons suspendu la moustiquaire devant l'escalier de descente et buvons assis par terre, histoire de profiter un peu du ciel. Nous passons également une bonne partie de la nuit à chasser les moustiques.
Même le lendemain matin, il faut recommencer et tuer tous ceux qui sont restés là et nous attendent affamés avant de pouvoir prendre notre petit déjeuner.

Mis à part ça, nous nous réjouissons de pouvoir enfin nous baigner à nouveau dans la mer. Nous mis à part, il y a juste quelques voiliers et nous profitons du coin en toute tranquillité jusqu'au soir.
Quelques jours plus tard, nous nous installons sur Cayo Herradura, île microscopique à côté de Tortuga. Mais rapidement, nous en avons ras le bol des moustiques et partons vers Los Roques.

Nous sommes partis l'après-midi et pouvons profiter d'un vent arrière pour configurer les voiles en ciseaux (une voile de chaque côté). Au milieu de la nuit, nous nous approchons de plus en plus de la petite île d'Orchila, qui est une zone militaire interdite qu'il faut passer à au moins cinq miles au large. Nous adaptons notre cap mais les courants et le vent nous poussent dans la mauvaise direction et l’île s'approche de plus en plus. Un navire de guerre vient nous voir pour vérifier qui vient par là. Visiblement, nous ne représentons pas de danger et nous pouvons continuer notre route sans problème. Comme Orchila ne veut pas nous lâcher, nous faisons un virement de bord et nous éloignons de l’île avant de repartir vers Los Roques.

Au matin, nous pouvons enfin voir le phare à l'entrée du récif sud et nous sommes accueillis par de nombreux oiseaux qui pèche leur petit-déjeuner.
Le parc national de Los Roques est composé de plus de quarante îles, petites voire microscopiques et bien protégées par un récif. Mis à part l’île principale Gran Roque, toutes sont plates et inhabitées.
De plus, à l'intérieur du récif extérieur, il y a beaucoup d'autres récifs et des bancs de sables, il faut impérativement ouvrir l'œil en navigant, je vais donc à la proue. La couleur de l'eau indique la profondeur, plus le bleu est foncé, plus c'est profond. Nous avons un tirant d'eau de 1,60m, les zones bleu turquoise et les brunes brillantes des récifs sont dangereuses. De plus il faut que je vérifie qu'il n'y a pas de roches ou de coraux qui remontent trop haut du fond. Nous réduisons fortement la vitesse pour limiter les dégâts en cas d'erreur de navigation, pour ne pas finir comme l'épave que vous pouvez voir sur les photos.
Nous atteignons notre point d'ancrage dans la baie de Franciscus près de Gran Roque, heureusement sans éraflures. Nous jetons l'ancre loin des hauts-fonds et des autres bateaux. Du coup, il nous faut nager plus pour atteindre le récif, mais qui s'avère n'être qu'un banc de sable sans poissons. Sur le chemin de retour, nous nageons jusqu'à un bateau appelé Fernweh (nostalgie) pour les saluer. Nous sommes aussitôt invités pour aller prendre un bout de tarte aux pommes plus tard. Pendant que nous retournons à notre bateau, Éric et moi nous demandons où nous les avons déjà rencontrée, certainement à Gomera. Plus tard Heike et Bernd nous confirment que nous les avons rencontrés au barbecue d'Andy à San Sebastian. Ils sont tous les deux médecins et font leur voyage par étape: quelques mois à bord pour ensuite retourner travailler quelques mois en Allemagne. Ils veulent aussi passer quelques jours aux Roques pour continuer ensuite vers Bonaire et Curacao via Aves. L'avion de retour qu'ils ont réservé part de Cartagena le 10 décembre. Nous décidons donc de voguer ensemble. Pendant que nous nous racontons nos péripéties, un bateau du parc national accoste le Fernweh et deux gardiens montent à bord. Le problème à Los Roques, c'est qu'il n'est pas possible de faire de déclaration d'entrée ou de sortie internationale du territoire. C'est pour ça que nous l'avons fait à Puerto La Cruz et le Fernweh sur l'Isla Margarita, mais cela ne nous autorise qu'à rester deux jours maximum en transit. D'autres plaisanciers qui sont déjà venu aux Roques nous ont dit que les contrôles étaient rares et seulement à Gran Roques. Il faut si possible ne passer qu'une seule nuit par île, mais là c'est déjà notre deuxième jour à ce mouillage. Les gardiens ne parlent pas anglais et nous pas espagnol. D'après ce que nous comprenons, ils veulent savoir depuis quand nous sommes là et combien de temps nous voulons rester. Nous expliquons que nous ne sommes arrivés qu'aujourd'hui et voulons repartir demain. Ils nous disent que nous devons aller à Gran Roques pour payer les frais du parc national de 100$. Ils essayent encore et encore de nous dire quelques chose mais nous ne comprenons pas et leur assurons que nous irons payer le lendemain. Ils repartent mais nous pensons qu'ils voulaient surtout un Bakchich.

Vers le coucher du soleil, nous allons ensemble à Gran Roque à bord de notre annexe pour laquelle nous avons acheté un nouveau moteur de 8 CV bien plus puissant. Heureusement, car on n'aurait jamais réussi avec l'ancien moteur à vaincre les vaques. Nous nous promenons dans le petit village avec des maisons colorées. Il n'y a que des rues en sable, un camion poubelle et un véhicule de construction. Sur la place principale, il y a beaucoup d'animation et l'ambiance vraiment super. Dans un coin, des tables sont dressées en rond, et des assiettes y sont posées avec des langoustes. Une chorale d'enfant chante et les cuisiniers sont interviewés par la télévision locale.
Nous allons manger dans une pizzeria. Le propriétaire parle parfaitement anglais et nous lui racontons nos déboires avec les gardiens du parc. Il nous explique que nous ne devons rien payer car nous sommes en transit et pouvons rester deux jours. Si nous payions, nous pourrions rester deux semaines mais il faudrait se déclarer. Il nous dit qu'on peut rester l'esprit tranquille, il faut juste rester à l'écart de l'île principale. Le superviseur change tous les quelques mois et ces fins de semaines, aucun chef n'est là. Les gardiens en profite alors pour faire la tournée des bateaux afin d'arrondir leurs argents de poche.

Nous ne payons donc pas de taxe et voguons vers Sarqui, Noronsqui et Elbert Cay. Nous passons les journées à faire du tuba, des promenades sur la plage et à manger ensemble, sans qu'aucun gardien ne nous dérange. Sur Noronsqui, nous sommes les deux seuls bateaux et le soir quand les touristes sont rapatriés sur Gran Roques nous avons notre propre île. Une fois, Heike et Bernd échangent une bouteille de vin contre quatres poissons et nous invitent le soir à manger du poisson grillés avec du beurre, des pommes de terres et du callaloo, qui ressemble à des épinards. Excellent!

Le 17 novembre, nous quittons les Roques au coucher du soleil et voguons vers les Aves qui sont composées de plusieurs îles sur un récif de corail. Nous jetons l'ancre sur l’île Sur. Là aussi, il faut faire attention aux récifs en naviguant. Ce groupe d’îles porte son nom Aves (oiseau) car de nombreux oiseaux vivent là. Il y a juste un fonctionnaire qui vit sur l’île la plus au nord, sinon il n'y a que des oiseaux et parfois quelques pécheurs et plaisanciers. Malheureusement il est prévu du vent du nord pour le lendemain et ensuite pétole pour les jours suivants où nous voulons continuer. De plus, il doit pleuvoir. Du coup nous décidons de repartir dès le lendemain à l'aube.
Et c'était la bonne décision, car après quelques miles, le ciel est couvert de nuages d'un bout à l'autre et il peut des cordes. Puis le vent change de direction et vient du sud et souffle de plus en plus fort. A six miles de Bonaire, nous avons des bourrasques à trente nœuds. Et lorsque nous passons au moteur la pointe au sud (car le vent vient de face et nous ne voulons pas croise dans ce temps de cochons), le vent est constant à trente nœuds de l'ouest! Les vagues sont de plus en plus raides et courtes. Nous sommes bien secoués et notre mat de spi, accroche au grand mat, se détache et tombe à la mer. Nous faisons aussitôt une manœuvre d'homme à la mer, le manquons une première fois et la deuxième fois, Éric parvient à le toucher mais ne peut pas le récupérer car il est trop gros et commence déjà à sombrer. Cela nous fait mal au cœur, il faudra nous en acheter un autre.
Puis, nous devons aller au port car on ne peut pas s'amarre aux bouées avec ce vent et cette houle. Mais après une telle traversée, nous sommes bien contents d'être au calme et en sûreté.

Le lendemain, nous nous promenons pendant des heures dans Kralendijk pour aller à la douane, à la laverie et faire des courses. J'étais super contente de trouver enfin un supermarché, dommage que nous n'ayons que le sac à dos, nous ne pouvons pas rapporter autant que nous voudrions, mais avons enfin de nouveau différents fromages, des produits laitiers, des bons petits gâteaux, du pain complet, de la pâte brisée, du jambon, de la compote de pomme et du muesli. C'est Noël avant l'heure!
Dans un café, nous prenons un très bon déjeuner. Seuls les prix sont hélas européens et non plus vénézueliens. C'est pour cela que nous quittons le port trop cher pour s'amarrer à une bouée.
La veille de notre départ, nous louons une voiture avec le Fernweh et faisons le tour de l’île. Nous faisons du tuba depuis une plage et voyons de superbes coraux et des poissons colorés. Dans la mer de Goto, nous admirons des flamants roses, voyons des montagnes de sel et plaignons les esclaves qui devaient vivre dans ces huttes microscopiques. Puis nous prenons un dernier apéro sur Bonaire.

Le 23 novembre, nous partons en direction de Curacao et jetons l'ancre dans le Spanish Water, une énorme baie très bien protégée et où il y a déjà des centaines d'autres voiliers et bateaux à moteur. Le soir, nous allons tous les quatre à terre avec une annexe et nous nous promenons dans les rues dans l'espoir de trouver un bus ou un restaurant sympa. Là, une dame qui téléphone s'arrête et nous dit de monter dans sa voiture. Elle nous demande où nous voulons aller, nous lui disons à une plage de préférence. Un quart d'heure plus tard, elle nous y dépose et nous prenons un apéro assis dans des chaises en osier.
Le lendemain, nous allons à la capitale Willemstad pour une fois de plus remplir les formalités de douane et d'entrée sur le territoire. Nous en profitons pour visiter les attractions du coin, comme le marché flottant, fait de bateaux rassemblés sur le fleuve sur lesquels sont vendus fruits et légumes, et le pont de la Reine Emma, un pont piétonnier flottant qui relie les deux parties de la ville et qui est ouvert à chaque fois qu'un bateau veut entrer.

Vendredi, il y a un Happy Hour au restaurant Fisherman et nous rencontrons de vieux amis: Meggie et Walter du Double Moon, que nous avons aussi rencontrés à Gomera, ainsi que Manfred du Schiwa, que nous avons connus sur Barbados avec sa femme Gudrun. Malheureusement Gudrun est actuellement en Allemagne.

Lundi, nous voulons aller vers la Colombie avec le Fernweh. Nous attendons la visite de Michi pour le 12 décembre à Panama, nous avons le temps de faire ce petit détour. Mais la météo nous joue un mauvais tour: de la pluie, des orages et du vent très fort sont prévus. Il vaut mieux laisser tomber la Colombie. Comme nous avions déjà fait notre déclaration de départ, il faut retourner à Willemstad pour l'annuler et perdons ainsi de nouveau un jour.
Comme il pleut l'essentiel des jours suivants, nous ne faisons pas grand-chose. Faire les courses, faire l'entretien du bateau et du site web, rendons visite aux autres plaisanciers, Éric reconfigure le PC du Fernweh. Jeudi, Heike et Bernd partent pour Santa Marta en Colombie, car ils vont décoller de Cartagene le 10 décembre pour retourner chez eux.

Nous fêtons encore mon anniversaire vendredi avec Meggie, Walter et Manfred pendant un Happy Hour. Eric m'emmène ensuite dans un restaurant juste à côté pour un excellent repas.

Samedi, le soleil apparaît juste un instant, dont nous profitons pour faire une promenade sur la plage le long d'un vieux fort. Le jour de la Saint Nicolas (6 décembre) , nous levons enfin l'ancre et nous dirigeons vers Panama.