Le mercredi 8 décembre 2010 à 8:35, nous partons enfin vers Colon à Panama. Nous savons que le trajet sera difficile car une dépression nous attend devant nous et la suivante est déjà annoncée derrière nous, venant du nord avec des vents très forts et beaucoup de houle: nous devons atteindre Colon avant qu'elle nous rattrape. Comme le fond marin devant Colon remonte rapidement, les vagues s'accumulent devant la ville et naviguer avec notre petit voilier entre les brises-vagues devant Colon est très difficile, voire impossible. Mais nous ne pouvons pas rester plus longtemps à Curacao car il faut arriver à temps pour l'arrivée de Michi en avion depuis Vienne. Après un bout fait au moteur jusqu'en fin d'après-midi, nous pouvons enfin sortir les voiles. Mais un orage pas loin nous gâche tout le plaisir. La première nuit est désagréable, car chaque grande vague couche le bateau sur le côté.

Les jours suivants sont plus calmes et nous avançons bien. Nous téléchargeons tous les jours les prévisions météo grâce au modem modem Pactor via la radio amateur, pour pouvoir changer d'itinéraire en cas de besoin, ou pour au moins savoir à quoi nous attendre. Les deux derniers jours et nuits sont très inconfortables à causes de vagues très raides restant de la dépression précédente. Mais nous atteignons Colon à temps avant la tempête suivante et le lendemain de notre arrivée, bien à l'abri dans le port, nous pouvons voir comment les vagues s'écrasent sur le brise-lame.

De retour du bureau de la marina, Éric rencontre Sonja du Molimentum . Sonja et David de Vienne ont à peu près démarré en même temps que nous mais ils sont partis depuis l'Atlantique contrairement à nous depuis la Méditerranée. Ils auraient du passer le canal de Panama aujourd'hui, mais pour la première fois depuis les quasi 100 ans de sa création, il a été fermé à cause des intempéries. Nous passons une soirée très sympa à bord de leur bateau. Le lendemain, le canal est ré-ouvert et ils peuvent partir en direction du Pacifique.
C'est décidément le temps des retrouvailles. Deux jours plus tard, nous rencontrons Michael du Mirmel que nous avions vu pour la dernière fois à Gomera. Nous échangeons nous aventures et il nous donne plein de tuyaux sur Kuna Yala (îles San Blas) où il vient de passer un mois.

Le Michi viennois a malheureusement raté son avion et nous passons les jours suivants à trouver un nouveau plan ainsi qu'un vol potable. Nous perdons pas mal de temps au lieu de faire ce que nous avions prévu. De plus, la marina est très à l'écart et il n'y a qu'une navette gratuite le matin pour aller au centre commercial qui a déjà vécu des jours meilleurs. Le trajet peut durer jusqu'à une heure car il passe sur l'écluse de Gatun et le chemin est bloqué lorsque des bateaux entre et sortent de l’écluse. Deux fois nous voyons d'énormes bateaux de croisières attendre devant l'écluse, ils sont tellement larges qu'il ne reste que quelques centimètres de chaque côté jusqu'au mur.
Une fois Michi arrivé, nous allons faire nos grandes courses alimentaires car à Kuna Yal, il n'y a que des aliments de base pour les indios. Pour la première fois, nous ne parvenons pas à faire recharger notre bouteille de Camping-gaz. Mais il s'agit d'une erreur de la part de la Marina, Michael (du Mirmel) nous indique que Yogi, un Allemand qui habite sur un bateau dans les East Lemmon Keys, peut nous les recharger.

Samedi avant Noël, nous quittons enfin la marina et jetons l'ancre à Portobello, que vous visitons le lendemain. Lundi matin, après le petit-déjeuner, nous découvrons un invité non désiré: un long serpent vert s'est installé confortablement sur le bastingage. Nous nous demandons s'il est dangereux mais n'en avons pas la moindre idée. Alors on fait quelques photos, Éric et Michi sont enthousiastes et moi je suis morte de peur. En particulier, quand Éric prend la gaffe et essaye de le convaincre de partir. Mais c'est tellement agréable au soleil qu'il n'a pas du tout envie de bouger. Alors Éric passe la gaffe dans la boucle qu'il forme et le balance à la mer. Avant qu'il n'ai l'idée de revenir à bord, nous prenons le large en direction de Kuna Yala.
Une fois rentré à Vienne, Michi a montré les photos à un fan de serpent qu'il a identifié comme un Mamba vert, un des serpents les plus venimeux de la planète. Mais il ne vit normalement qu'en Afrique, alors on ne sait toujours pas de quoi il s'agissait. Mais j'en suis encore malade à chaque fois que je pense à Éric en dompteur de serpent.

Nous passons la nuit suivante près d'Isla Linton et admirons la pleine lune.

Mercredi après-midi, nous traversons le récif extérieur de Kuna Yala. Comme dans les Roques, nous devons naviguer super prudemment et ne pas quitter des yeux la couleur du fond. Mais heureusement l'endroit a été minutieusement cartographié par un Allemand, Eric Bauhaus, et il est plus facile de s'orienter grâce à son guide.

Kuna Yala, appelée auparavant San Blas par les Espagnols, est un archipel composé de plus de 340 îles ou ilots microscopiques. Là vivent les indiens Kuna, qui après une longue bataille qui les a presque décimés, ont obtenu leur indépendance. Sur beaucoup d'îles, ils vivent encore de façon traditionnelle sans électricité et sans techniques modernes. À l'opposé, quelques îles à l'ouest ont même l'internet et on voit régulièrement des mobiles. Et là, ils ne portent pas que leurs vêtements traditionnels, les molas, composés de plusieurs couches de tissus colorés, mais aussi des jeans. Les molas sont joliment fabriqués par les femmes, sur plusieurs mois. Chaque village est dirigé par trois Sailas, sorte de chef, qui sont aussi responsable du respect des traditions, de la culture, de la médecine, etc.

Il nous faut d'abord remettre notre Zarpe à Porvenir, c'est un document qui nous autorise à voguer de Colon vers Kuna Yala et payer 10 dollars de droits d'entrée dans le parc national. Sur cette île, il y a un petit poste militaire, un aéroport, un hôtel, une crèche et un sapin (en métal) de Noël.
Le lendemain, nous allons avec l'annexe sur la petite île d'à côté, Wichubhuala, sur laquelle des huttes sont collées les unes aux autres. Des Indios en costumes traditionnels et modernes sont assis ou boivent une bière ou vont travailler. Des jeunes jouent au beach-volley. Puis nous continuons vers les West Lemon Cays, pour chercher Yogi.

Ici sur l'ile Éléphant, il y a quelques voiliers allemands et autrichiens à l'ancre. Nous rendons visite au Fritz-the-cat, qui possédait quelques bars à Vienne et qui vogue depuis des années sur son catamarans dans les Caraibes. Sur cette île, il n'y a qu'une seule hutte avec un café juste à côté. Surprenant, nous lisons qu'il y a ou plutôt qu'il y avait même internet ici. L'antenne a été endommagée par la tempête. Pour la même raison, Yogi, qui vient au café, ne peut pas nous recharger nos bouteilles de gaz car la seule route de l'île est coupée par un glissement de terrain. Mais peut-être mañana (demain). Malheureseusement il ne se passe rien ni mañana ni le jour suivant mañana. Donc nous abandonnons et repartons pour les East Lemon Cays, où un couple de plaisanciers allemand veut fêter Noël.

En chemin, nous faisons une pause sur l'île Dog et allons voir une épave sous l'eau. Le capitaine a tout juste réussi à faire échouer le bateau endommagé sur un banc de sable près de la petite île pour sauver l'équipage et la cargaison. Une raie aigle ainsi qu'une autr raie viennent également nous souhaiter de joyeuses fêtes! Nous ne savons pas exactement où le couple à jeter l'ancre. La baie au sud et celle près de Chichime nous apparaissent trop pleines et nous ne voyons pas le bateau en question. Mais plus loin, à proximité d'une île inhabitée, il y a un autre coin où on peut jeter l'ancre et il a l'air spacieux. Nous avons de la chance, tous les plaisanciers ici parlent allemand, même les deux suédois. Éric toque chez le Mabuhay, un bateau suisse avec Marie-Thérèse et Paul à Bord, dont nous avons entendu parlé par l'Infinity, et il leur demande si une fête est prévue pour ce soir. Oui, sur l'île, ils vont faire un grand feu et chacun amène sa boisson et sa nourriture, plus un petit extra à partager. Nous sommes bien-sûr les bienvenues si nous voulons nous joindre à eux.
C'est une très bonne soirée avec des gens vraiment très sympa. Il y a entre autres Helga et Rene de l'Amigo, Annemarie et Helmut de l'AnnaX ainsi que Stefan qui voyage en solitaire avec son chat. Un palmier est décoré en sapin de Noël avec des boites de bières vides et un crabe solitaire représentera la crèche. Un superbe coucher de soleil salue notre soirée.

À partir du lendemain, il pleut des cordes. Avec l'annexe, nous récoltons environ 200 litres d'eau en deux jours et pouvons ainsi remplir nos réservoirs jusqu'à ras-bord. Mais il fait quand même assez chaud pour pouvoir nager. Par contre, il fait trop sombre pour faire du tuba. Heureusement que nous avions fait coudre une capote étanche pour le Cockpit et nous pouvons quand même nous installer tranquillement dehors. Le 29 décembre, nous retournons à l'île Elephant Island, pour chercher du gaz mais la route est encore bloquée. Par contre, nous apprenons qu'il y un buffet de réveillon pour 10$/pers. suivi d'un mariage kuna. Nous restons ici et cela vaut le coup. Le bateau de ravitaillement passe par là et nous pouvons acheter des fruits, légumes et même un poulet. Nous achetons du poisson et des langoustes pour trois fois rien aux pêcheurs du coin. Nous aurons un super repas pour le 1er de l'an.
Après le coucher du soleil, les plaisanciers de tous les pays se retrouvent à terre. Une fois le très bon repas terminé, le mariage commence. D'abord, les deux futurs mariés sont portés à tour de rôle par leurs amis trois fois à un hamac où ils y restent finalement. Puis le saila, le chef, arrive et tient un discours. Un autre Kuna nous fait la traduction. Le saila donne encore quelques conseils aux mariés entre-autre comment faire un bon mariage ou comment se comporter dans la communauté Kuna. Puis un proche du coupole tient un discours et enfin, le hamac est refermé et le couple laissé seul.
Bientôt, il est minuit et nous trinquons à la nouvelle année. Des cierges magiques et des poupées de chiffons sont brûlées. Un Canadien prend sa guitare, ses amis chantent et cette soirée de réveillon se termine harmonieusement sur des airs canadiens.

Le jour de l'an, nous nous déplaçons vers le sud de l'ile Chichime et partons à la découverte de l'ile. Deux jours plus tard, nous allons aux Central Holland Cays. À travers les récifs, nous nous cherchons une petite place tranquille. C'est magnifique ici. À côté de nous, il y a une ile couverte de palmiers et l'eau la plus pure qu'on puisse imaginer. Nous explorons les environs avec notre annexe et tombons sur une vrai pataugeoire pour enfants. Le fond est fait de sable et l'eau nous arrive aux genoux. Nous voulons nous promener jusqu'au récif externe mais les courants sont tellement forts que seuls Éric et Michi y arrivent. Puis nous continuons entre deux petites iles et croisons une raie et allons jusqu'à la plage vierge. Là nous avons vraiment l'impression d'être dans les mers du Sud. Sur le chemin du retour, nous faisons un peu de tuba et voyons quelques rascasses venimeuses. L'heure de biologie se termine lorsque nous retournons une étoile de mer et l'observons se remettre à l'endroit, comme au ralenti.
Le jour suivant, Éric grimpe au mat pour remettre en place le réflecteur radar qui s'est tourné et en profite pour faire quelques photos d'en haut.

Comme nous n'avons toujours pas résolu notre problème de gaz, nous repartons et allons jusqu'à Nargana, une plus grande communauté Kuna près du continent. En route nous croisons un pêcheur sur son voilier kuna typique qui attrape des langoustes. Nous essayons aussi de pêcher mais notre hameçon s'accroche au fond et après plusieurs essais, nous sommes obligé de couper la ligne et de le laisser là.
À Nargana, ils y a quelques magasins microscopiques où nous pouvons acheter fruits et légumes. Il y a aussi des hameçons et le propriétaire nous explique comment les Kunas pêchent. On plane la pointe de deux hameçons dans un petit tuyau transparent, il utilise pour ça une paille en plastique coupée à 10 cm et l'accroche à la ligne. On le jette à l'eau derrière l'annexe et on déroule la ligne d'un rouleau en plastique. C'est tout. Nous le remercions et continuons notre tournée. Dans une boulangerie, nous achetons des petits pains. Mais il n'y a ni gaz ni eau (la canalisation est rompue). Nous pourrions aller avec l'annexe remonter une rivière voisine et y prendre de l'eau mais comme ce n'est pas urgent, nous ne le faisons pas. Nous recevons du gaz de la part d'Annemarie et Helmut de l'Anna X qui nous laissent leur bouteille de réserve. Nous leur en sommes très reconnaissants!
À Nargana comme à la ville jumelle reliée par un pont Corazon de Jesus, les huttes se succèdent les uns derrière les autres. Il y a quelques maisons en dur, l'église, la banque, l'école et autres bâtiments administratifs. À la banque, il n'est pas possible de retirer de l'argent comme ça. Les Kuna doivent d'abord demander une autorisation au Saila et ne peuvent avoir l'argent qu'après. À l'école, il est censé y avoir internet mais pendant les vacances scolaires, l'école est fermée.
Le jour suivant, nous allons vers un autre groupement d'iles, les Coco Bandero. Ici, on devrait même réussir à voir des requins. Mais d'abord, un groupe de dauphins vient nous saluer. Les Coco Bandero sont très courues, vu le nombre de bateaux à l'ancre dans la baie.
Michi et Eric testent notre nouvelle méthode de pêche et attrapent effectivement un petit poisson. Puis un deuxième et Michi nous grille les filets pour le repas du soir. La tête et la queue seront utilisés pour la soupe de demain.
Virginia et Jose du Caps III (que nous avions connus au Venezuela) nous ont enfin rejoint. Nous nous réjouissons des retrouvailles, ils viennent juste d'arriver dans les Kuna Yala et veulent y rester plusieurs mois. Mais il faudra rapidement se quitter car il faut bientôt retourner vers la terre ferme pour que Michi puisse prendre son avion.
Nous passons quelques journées ensemble, très sympa. Virginia et Michi nous gâtent aux repas à tour de rôle. Ils nous donnent aussi une demi-bouteille de gaz, ça nous permettra de tenir jusqu'à Colon.
Nous allons faire du tuba mais ne voyons qu'un petit requin. Par contre, les courants sont très forts et il est difficile de ne pas se perdre entre les récifs. Une fois, un énorme poisson me fait peur mais ce ne n'est pas un requin, juste une énorme perche inoffensive. J'aime autant ça, car je ne sais pas si un requin sait que je ne suis pas bonne à manger et d'ici à ce qu'il me goûte... ;-).
Éric et Michi, qui pêchent sans relâche et efficacement au style Kuna, ramènent même une fois une chauve-souris très effrayée. Elle tremble de partout et nous la posons sur un gant dans le cockpit. Le soir à la tombée de la nuit, elle a disparu.
Le 11 janvier, nous relevons l'ancre, allons visiter Morbedup où nous passons la nuit. Nous faisons une petite escale à Kuanidup, où il y a un hôtel, faisons une pause à Porvernir pour faire notre déclaration de départ et retournons à Chichime.
Deux jours plus tard, nous quittons Kuna Yala bien tristes, nous n'en avons vu qu'à peine un dixième.

Sur le trajet du retour, nous repassons la nuit près de l'ile Linton, puis atteignons Portobello. Nous apprenons qu'il y a une bonne connexion en bus vers Panama City, cela va permettre à Michi d'éviter de devoir prendre le taxi super cher depuis la marina Shelter Bay. Nous testons la liaison et prenons le bus jusqu'à la gare routière près de Colon. Nous pouvons ainsi acheter quelques ingrédients que nous n'avons plus. On se renseigne pour le bus express vers Panama City et comme il roule régulièrement aussi le dimanche, Michi décide de prendre celui de demain midi.
Le jour suivant, nous accompagnons Michi au Bus. Les bus à Panama sont de vieux bus Pullman, stylisés par leurs chauffeurs. Beaucoup sont couverts de graffitis bariolés. Après le départ de Michi, nous nous promenons dans le coin, assez délabré. Du temps des conquistadors espagnols, Portobello était un port important, d'où partaient les navires avec l'or volé vers l'Europe. De nos jours, les forts et les installations portuaires sont tombés en ruine. De plus, un versant s'est écroulé pendant la tempête de décembre et a détruit quelques maisons. Nous ne savons pas s'il y a eu des blessés. La curiosité la plus importante à voir est la sculpture du Jésus noir à l'église. Après un repas de midi pas cher mais excellent, nous retournons à bord. On y passe une après-midi tranquille ainsi que la nuit. Le lendemain, nous repartons pour Colon, après le petit-déjeuner.